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Com 17 mars 2021, n°19-14.525 : L'illégalité du renvoi d'un dirigeant de fait

Publiée le 26/03/2021
Com 17 mars 2021, n°19-14.525 : L'illégalité du renvoi d'un dirigeant de fait

En l’espèce, une personne physique a été nommée présidente d’une Sas pour 3 ans. Son mandat devait expirer en 2015. L’assemblée générale qui a eu lieu à cette période ne s’est pas prononcée sur le renouvellement du mandat. La présidente est quand même restée en fonction. En mars 2016, l’assemblée vota le « non-renouvellement » du mandat de la présidente.

La présidente a agi en justice en prétextant que ce non-renouvellement était une révocation.

Sur cette qualification, elle a demandé à être indemnisée au motif que sa révocation était selon elle aussi bien injustifiée en l’absence de faute grave de sa part que vexatoire. Son action est fondée sur le droit commun et les statuts de la Sas.

Dans le droit commun, un dirigeant peut être révoqué sans qu’il soit nécessaire de prouver une faute de sa part ou un autre motif. Une indemnité n’est versée à la personne révoquée que dans le cas où sa révocation est vexatoire.

Quant aux statuts de cette Sas, ils donnent des garanties au dirigeant que ne prévoit pas le droit commun : toute révocation votée sans un motif grave donne le droit à une indemnisation.

Il s’agit donc ici de savoir si 1/ la présidente a été tacitement reconduit à l’expiration de son mandat, 2/ si un non renouvellement du mandat peut être assimilé à une révocation, 3/ si la présidente a fait l’objet d’une révocation indemnisable sur le fondement des statuts et/ou 4/ du droit commun.

1/ Sur la tacite reconduction, la président a été déboutée. La cour de cassation considère que celui qui continue de diriger la société après l’arrivée du terme ne peut pas se prévaloir d’une reconduction tacite de ses fonctions. Il s’ensuit que la cessation des fonctions de dirigeant de droit intervient de plein droit par la survenance du droit et le défaut d’un renouvellement express. S’il reste il devient un dirigeant de fait.

Concernant la révocation, la cour de cassation prend plusieurs positions :

2/ D’une part, elle étend le domaine de la notion de la révocation. Le « non-renouvellement » d’un dirigeant à un moment qui ne se trouve pas dans la période pour laquelle il a été désigné équivaut à une révocation. Le mécanisme de la révocation n’est pas réservé aux seuls dirigeants en fonction suite à une assemblée générale. Il s’applique aussi au dirigeant de fait.

3/ D’autre part, seuls les dirigeants de droit ont le droit de bénéficier des indemnités qui sont ajoutées par les statuts au régime de droit commun. Puisque le droit commun ne prévoit pas d’indemnisation pour une révocation en l’absence de faute grave et puisque la présidente est une dirigeante de fait, elle n’a pas le droit d’obtenir l’indemnité statutaire. Par conséquent, il n’était pas utile de rechercher si sa révocation a eu lieu ou non pour un motif grave.

4/ Ensuite, la cour de cassation examine si la révocation du dirigeant de fait a eu lieu de façon vexatoire. Donc, pour elle, bien que le dirigeant se soit maintenu sans avoir respecté la loi, il est recevable à alléguer une révocation vexatoire. Cette recevabilité n'est pas surprenante. Le droit commun sanctionne la révocation vexatoire sur le fondement de l'article 1240 du code civil. Par ce fondement il donne à cette sanction une portée générale, bénificiant à tous, y compris les dirigeants de fait. Cette décision est cohérente avec le droit positif : qu'une personne entre ou se maintienne irrégulièrement dans un local ou une fonction, elle ne peut en sortir que par des voies légales et elle a droit à une indemnisation si cela n’a pas été le cas.

Enfin, l'arrêt traite du bien-fondé de la demande d'indemnisation. En l’espèce, après la révocation de sa présidente, le directeur juridique a déclaré que celle-ci pouvait faire disparaître des documents. Il l’a fait escorter par un huissier pour qu’elle ne récupère que ses affaires personnelles. La cour juge que ces conditions ne sont pas vexatoires après avoir relevé que la présidente n’a fait aucun incident et que la récupération des affaires eu lieu en toute discrétion et sans témoin.

Il découle de cet arrêt que la vexation doit s’apprécier par des éléments subjectifs et objectifs. Elle dépend du ressenti du dirigeant, sujet de droit et elle doit s’apparenter à une humiliation en public, ce qui constitue un élément objectif. En l’espèce, la présidente est restée digne ; aucune publicité n’a été donnée sur la façon dont elle a été traitée. Elle n’a eu droit à aucune indemnité.