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3ème Civ 12 mai 2021, n°19-13.942 : Le gérant doit payer la dette fiscale de l'associé

Publiée le 17/06/2021
3ème Civ 12 mai 2021, n°19-13.942 : Le gérant doit payer la dette fiscale de l'associé

Deux personnes s’associent dans une société civile créée pour 5 ans. Une seule est gérante. Peu avant la fin de la société, ils décident en assemblée générale de dissoudre la société. Le gérant est chargé de réaliser les formalités qui suivent, ce qu’il ne fera pas. Il poursuit l’activité de la société pendant plus deux exercices, sans tenir d’assemblée générale annuelle d’approbation des comptes et en dépassant le terme fixé pour la société. Il dépose des déclarations fiscales sans indiquer que la société a dépassé les 5 années de son existence et y minore les actifs immobiliers et les revenus locatifs de la société.  

Le fisc opère deux redressements fiscaux. Le premier concerne la société. Le second l’associé non gérant. Il lui reproche des inexactitudes délibérées dans sa propre déclaration fiscale relative aux actifs de la société.

L’associé non gérant décide d’agir en responsabilité civile contre le gérant, sur un fondement individuel. Il mène alors une action individuelle visée à l’article 1843-5 du code civil et fondée sur l’ancien article 1382 du code civil devenu depuis 2016 l’article 1240 du code civil.

Pour obtenir une réparation, il doit convaincre le juge que le gérant a commis une faute lui ayant causé un préjudice personnel distinct de celui subi par la société. La notion de préjudice distinct est apparue avec l’article 17 de la loi aujourd’hui abrogée du 24 juillet 1867 sur les sociétés commerciales et a été étendue par l’article 1843-5 du code civil aux sociétés civiles.

En l’espèce, la faute n’est pas contestée par le gérant. Il reconnaît qu’il n’a pas accompli les formalités liées à la dissolution de la société, qu’il a continué l’activité de la société après le terme fixé pour son existence, que ses déclarations fiscales sont effectivement inexactes.

En revanche, le gérant conteste que l’associé ait subi un préjudice distinct de celui de la société au motif que le rehaussement fiscal de l’associé provient des sanctions fiscales de la société.

Son moyen de défense est évidemment rejeté.

En effet, le préjudice allégué contre le gérant n’affecte que son coassocié. Ce dernier ne demande pas la réparation de la perte subie par la société du fait du premier redressement fiscal, mais la réparation du second redressement fiscal, celui consécutif à ses propres déclarations fiscales.

En rejetant le moyen de défense du gérant, la cour de cassation admet le préjudice financier du coassocié mais aussi la réparation d’un préjudice moral, d’angoisse, qui résulterait de la nécessité de trouver dans l’urgence un financement pour payer les sanctions.

Cette espèce amène quatre autres observations :

Premièrement, la notion de préjudice distinct est évolutive.

Actuellement la jurisprudence pose que la dépréciation de titres d’une société n’est pas un préjudice distinct de celui de la société car cette dépréciation affecte aussi la société elle-même aussi de la valeur (Com., 26/04/2017 : n°15-20.054 ; Civ. 3ème, 22/09/2009 : n°08-18.785).

Auparavant, elle défendait le contraire au motif que la perte de valeur affecte le patrimoine de l’associé lequel ne se confond pas avec le patrimoine social (Cass. 26/11/1912 : D.P.13.1.377 note contraire Thaller consultable en ligne sur gallica.bnf.fr).

Deuxièmement, dans ce litige, le gérant aurait peut-être pu éviter d’être condamné à réparer l’intégralité du préjudice financier de son coassocié s’il avait argué que ce dernier avait commis lui aussi des fautes.

Le vérificateur a retenu contre ce dernier un « manquement délibéré » son devoir de sincérité dans les déclarations fiscales en raison d’une mention néant « consciente et intentionnelle » à la rubrique actif de la déclaration de revenus. Par son mensonge, le coassocié a participé à son préjudice, au moins à hauteur de la pénalité fiscale de 40% pour manquement délibéré.

La cour de cassation ne s’est pas prononcé sur le caractère exonératoire de ce fait car elle n’en avait pas le pouvoir. Le moyen n’avait pas été soulevé devant la cour d’appel, sans doute en raison du dossier.

Troisièmement, dans une société composée de deux associés dont l’un est le gérant, il raisonnable de penser que l’autre associé ne pouvait pas ignorer que le gérant n’avait pas exécuté la décision de l’assemblée générale et qu’il est en tort de ne pas avoir saisi le tribunal, par l’intermédiaire d’un avocat, pour faire désigner un mandataire ad hoc qui aurait suppléé à la carence du gérant.

La cour de cassation admet une telle solution (Cass. 3ème Civ., 21/06/2018 : n°17-13.212).

Dès lors se pose la question du caractère fautif de l’associé qui ne saisit pas le tribunal en demandant la désignation d’un mandataire ad hoc alors que toutes les conditions pour sa désignation sont réunies.

L’avocat du gérant avait bien qualifié devant la cour d’appel l’inaction du coassocié de faute exonérant le gérant de sa responsabilité. Mais l’avocat à la cour de cassation n’a pas jugé pertinent de contester devant la cour de cassation le rejet de cet argument par la cour d’appel.

La Cour de cassation n’a pas indiqué si, selon elle, cette inaction était une faute puisque le moyen n’a pas été soulevé devant elle et car il ne fait pas partie des moyens pouvant être soulevés d’office.

Quatrièmement, le gérant aurait évité le reproche d’avoir continué l’activité de la société après que l’assemblée générale ait prononcé sa dissolution si l’assemblée avait voté la prorogation de la durée de la société au lieu de la dissolution.

Il est toujours possible, par des formalités, d’allonger la durée de vie d’une société, même pour un an le temps de vendre les derniers actifs qui restent sans avoir à indiquer aux clients qu’il n’y a plus de gérant mais un liquidateur. 

Vous trouverez sur le site les outils qui vous permettront de procéder à de telles formalités.