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Actualité de 1001Societes.fr
Com. 6 janv. 2021, n°19-15.299 : L’intérêt social est supérieur à l’objet social
Publiée le 26/02/2021

Un arrêt rendu le 6 janvier 2021 par la cour de cassation rappelle deux principes de droit.
1/ L’intérêt social est supérieur à l’objet social. Une opération conforme à l’objet social mais contraire à l’intérêt social est nulle pour ce simple fait.
2/ Et il ne faut confondre un gérant avec la société qu’il dirige : ce sont deux entités différentes qui peuvent avoir des intérêts contraires. La société n’est pas au service de son dirigeant. Un acte pris pour les besoins du dirigeant mais qui compromet l’existence de la société est nul.
En l’espèce, le gérant d’une société immobilière a hypothéqué le seul bien immobilier de la société pour garantie une dette personnelle. Puis, il a agi au nom de la société en nullité de l’hypothèque. La société obtient satisfaction devant la cour d’appel. Dans un arrêt du 6 janvier 2021, la cour de cassation confirme cette nullité.
La haute juridiction annule la garantie au motif qu’elle est contraire à l’intérêt social de la société. L’hypothèque sur le bien a été donnée sans contrepartie et si le bien est saisi pour payer la dette garantie, l’existence de la société est compromise car c’est son seul bien immobilier. Par conséquent, si la société avait eu plusieurs bien immobiliers, la garantie aurait été validée.
L’existence d’une contrepartie ou non est donc un critère déterminant de la validité d’une garantie mettant en péril l’existence d’une société.
La cour de cassation ajoute que la nullité aurait été encourue même s’il avait été prouvé que la garantie entrait dans l’objet social de la société.
Elle rappelle ainsi une décision qu’elle avait prise en 2014 dans le même sens pour des faits similaires : les associés avaient approuvé la garantie de la dette de l’associé gérant par une hypothèque du seul bien immobilier de la société. Ils avaient étendu l’objet social de leur société pour réaliser l’opération. La garantie a néanmoins été annulée. La conformité de la garantie à l’objet social était inopérante. Puisque la garantie était de nature à compromettre l’existence de la société et avait été donnée sans contrepartie, elle était nulle car contraire à l’intérêt social (Cass. com., 23/09/2014 : n° 13-17.347).
C’est une décision qui ne surprend pas puisque la cour de cassation a eu la même position pour des faits identiques alors même que l’opération avait été approuvée par le consentement unanime des associés (Cass. com, 08/11/2011 : n°10.24.438).
Ainsi, lorsqu’une contrepartie existe, l’opération est valide. Telle est la solution dégagée le 2 novembre 2016 (Cass. com., 02/11/2016 : 16-10.363). En l’espèce, un associé souscrit un prêt pour libérer son apport à une société. La société utilise cet argent pour acquérir un bien immobilier qu’elle loue ensuite à l’associé. Elle apporte ce bien en garantie hypothécaire du prêt de son associé locataire. La cour de cassation rejette l'action en nullité de la garantie car cette garantie a permis à l’associé d’obtenir un prêt qui a financé le bien dont la société a tiré des revenus locatifs. En raison de cette contrepartie financière pour la société que sont les revenus locatifs, la cour en déduit que la garantie n’est pas contraire à l’intérêt social. Elle en admet la validité de l’hypothèque en rejetant le pourvoi qui faisait valoir que l’exécution de la garantie compromettrait l’existence de la société.
Un arrêt de 2012 de la cour de cassation fonde cette jurisprudence sur l’article 1849 du code civil (Cass. 3ème civ., 12/09/2012 : n°11-17948 ; Bull, III, n°121). Mais cet article sanctionne la violation de l’objet social, pas celle de l’intérêt social. L’arrêt de 2012 considère que les deux notions se confondent ou qu’elles sont interdépendantes alors que les manuels de droit les plus réputés les distinguent. Cette confusion était entretenue par l’absence de disposition visant l’intérêt social dans toute la législation codifiée des sociétés.
Les arrêts de 2014 et de 2021 distinguent expressément les deux concepts : le respect de l’objet social n’exclut pas l’existence d’une atteinte à l’intérêt social.
Depuis 2019, l’expression « intérêt social » est apparue dans le code civil et le code de commerce, ce qui consacre la position des auteurs des manuels de droit les plus réputés. La confusion entre intérêt social et objet social n’est plus possible : tout ce qui est conforme à l’objet social n’est pas forcément conforme à l’intérêt social.
Article modifié le 0/06/2021